Marie, Lulu et les enfants de l'école Al Karmel


GAZA. Témoignage de Marie Magalhaes, marionnettiste. 

Samedi 29. Jour 5

8.AM-10.AM Visite d'une école primaire de garçons à Gaza.

Il est prévu que je joue un petit spectacle avec la marionnette « Lulu ».




J'ai le trac et je ne peux m'empêcher de penser à ces enfants pour la plupart hyperactifs, présentant divers troubles psychologiques,traumatisés par ce qu'ils endurent de l'oppression israélienne ,des enfants déchirés par l’état de siège permanent. Leur nombre doit atteindre au moins les 300 et le climat dans la cour de l'école, quand ils nous voient arriver, frôle l'hystérie ; des responsables de groupe, enfants plus âgés , sont chargés de « bousculer » les plus agités afin de revenir à un certain maintien, les profs gèrent mais ils ont du mal à contenir les gosses bien trop heureux de voir tant d'étrangers venus de l'extérieur : cela doit représenter pour eux la liberté, l'autre côté.




Je ne dispose que de quelques minutes pour endosser mon costume dans la cour, protégée des regards par le climat et la file des activistes derrière laquelle je me change. Il faut faire vite !




Je me connecte à ma marionnette comme je peux, par le regard. Je me protège du vacarme et de l'énergie dévorantes de ces enfants que j'aime déjà tellement ! Le bruit est hallucinant et je dois avouer qu'il est épuisant.




Je fais mon « entrée » et commence mon « show ». Et là, soudain, le SILENCE, un silence imposant, tellement immense que je me sens dépassée : on entendrait une mouche voler mais à Gaza ce sont les drones que l'on entend .




Je joue au ralenti, je sais que c'est pas ça, pas du tout ça, je suis terriblement ému par la capacité des enfants à se canaliser : en fait ce sont eux les artistes ! Les gosses sont scotchés de voir mon personnage bouger, vivre. Si seulement je pouvais rester des heures, des jours, des semaines, des mois avec eux....




Le show se termine. Le vacarme assourdissant revient à nouveau. Des nuées de gosses se précipitent vers mes camarades activistes, vers moi aussi, bien sûr. Ils veulent voir, toucher mon personnage, ses accessoires.

Je vacille devant tant de désespoir et de soif de vivre.

Vite, il faut que je trouve autre chose pour nous canaliser ensemble.

Je sors mon nez rouge ! Et un ballon vert GEANT : je leur dis, en montrant le ballon que c'est leur pays et je souffle dedans ; le ballon vert est GEANT et ils rient ; je n'ai presque plus de souffle, je joue à : je gonfle ? Je gonfle pas ? Et eux me demandent de gonfler, de gonfler, de ne plus jamais m'arrêter. Leur pays Palestine,  leur territoire Gaza, ils ont tant besoin d'y voir un espace libre comme celui où nous, en France (par exemple) on vit.

Les enfants jouent avec vous si vous jouez avec eux, ils ne demandent que cela.

Moi qui n'aime pas les normes je me surprends ici dans cette prison à ciel ouvert à n'espérer qu'un retour au normal.

Quand est-ce que Israël laissera ces enfants gazouiller normalement ?

QUAND ?












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