Dans l'antre de Rafah


En arrivant à Rafah, ce qui frappe, dès la première minute, c’est l’aspect « parc à bestiaux », ici les hommes s’entassent devant les grilles, les chars égyptiens veillent au grain et au compte-goutte des familles entrent ou sortent. Rien que pour cela, nos actions  bisounours  de boycott des oranges de Jaffa et des machines SodaStream dans les supermarchés  pour lesquelles nous sommes taxés d’antisémites et comparaissons devant la Justice, se trouvent largement justifiées. Qui décide de qui entre ou pas ? Qui décide de qui  sort ou pas ? Certainement pas dans leur plein droit les autorités de Gaza, alors oui, le boycott a une raison d’être.


Devant les portes de Rafah


Entrée dans le terminal, à part nous plus personne n’entrera pour aujourd’hui et c’est toujours la foire aux bestiaux, on crie des noms, les visages sont fatigués par l’attente et la dame qui s’occupe des sanitaires nous racontent son histoire, ses 8 enfants, son mari qu’elle a perdu, avant même de sortir de Rafah, nous sommes déjà dans le vif du sujet.


A l'intérieur du terminal de Rafah, alors que nous sommes une centaine de militants, français, belges, égyptiens, un par un nous fêtons l'obtention du tampon  sur nos passeports, estampillés pour beaucoup du tampon ENTRY DENIED, apposé lors de nos tentatives d'entrée en Palestine par les seules portes ouvertes sur la Cisjordanie, à savoir l'aéroport Ben Gourion, en Israël, et le Pont Allenby, en Jordanie.


Enfin, après avoir récupéré nos passeports dûment tamponnés et validant notre sortie d’Egypte, nous entrons dans la bande de Gaza. Nous entrons en Palestine après trois missions où nous avons été refoulés à l’entrée, dans nos propres aéroports européens et à la frontière jordanienne, surveillée non pas par les autorités jordaniennes comme le voudrait le bon sens mais par l’armée israélienne. Après trois minutes de joie d’être enfin là, la réalité de la situation nous rattrape, nous découvrons le missile d’une tonne lâché sur la voiture d’un membre du Hamas, tant et tant diabolisé par nos médias. Un missile d’une tonne que je ne peux m’empêcher de comparer aux « misérables » roquettes Al Qassam, qui tiennent plus du Patator ( 1 ) que du missile digne d’une véritable armée.  Non pas que le Hamas soit rose bisounours, toutefois, tout est question de proportion. Bref, un missile plus un autre et tous les autres exposés  et puis les photos de bâtiments détruits, d’enfants morts pour rien lors de l’attaque de novembre 2012, un musée des horreurs ou juste, la dure réalité de la vie à Gaza, rythmée par les bombardements du pays voisin et voleur de tout, un pays qui se croit tout permis et à qui l’on permet tout, l’intouchable Etat sans frontières d’Israël.


Terminal de Rafah, côté bande de Gaza



Israël aura eu beau nous diaboliser nous aussi, nous taxer de terroristes, nous interdire l’accès à la Palestine, par tous les moyens possibles, finalement notre détermination à entrer en Palestine, à refuser le blocus et le siège de Gaza nous a permis, avec l’aval des autorités gazaouies et du nouveau gouvernement égyptien de rendre visite à une partie d’un peuple emprisonné. Nous sommes entrés dans la prison de Gaza, mais nous, nous en sommes ressortis et il est de notre devoir d’en être sortis plus déterminés encore à faire savoir ce qui se passe derrière les murs et les check-points.



        1 )   Le Patator est une arme de nos campagnes, fait pour lancer des patates à grande vitesse et fonctionnant avec un simple tuyau d’aspirateur et une bombe aérosol. Arme de guerre s’il en est donc.