La Place Tahrir est désormais
connue comme étant le bastion de la Révolution égyptienne qui chassa Hosni
Moubarak. Qu’en est-il de cette place aujourd’hui ? En m’approchant de
cette place, je ne me suis pas aperçue que c’était elle.
Je m’attendais à un immense
espace et m’aperçut que les proportions me rappelaient celles de la place
Bellecour, en plein cœur de Lyon, imaginant alors ce que serait celle-ci, si
nous aussi nous nous rebellions. Mais nous ne sommes pas assez précaires pour
oser faire ce que les égyptiens ont fait, Hollande ou Sarko, il faudrait tous
les virer, mais nous respirons assez convenablement sans penser que notre
acceptation de la politique française et européenne nous mène droit dans le mur.
Nous, mais aussi les peuples avec lesquels nous jouons sur le grand échiquier
du monde, à ce stupide jeu qui n’est qu’économie mondiale et géopolitique. Tant
pis pour les peuples. La preuve en est, les égyptiens ont viré Moubarak,
celui-là même à qui Sarkozy et tant d’autres ont serré la main, ils ont choisi
Morsi, « l’islamiste » et déjà le monde à crier gare. Sauf que, les
égyptiens décident désormais de leur sort, car oui, ils ont voté. Le modèle que
le monde veut imposer, la sacro-sainte démocratie, a laissé parler un peuple
après sa Révolution. Les pressions
internationales ne suffiront peut-être plus à leur faire plier l’échine, même
si un pays entier est à reconstruire jusque dans les mentalités diverses et
complexes qui le composent. On n’efface pas des décennies de régime autoritaire
et ultra-répressif, où n’importe qui peut être rémunérer pour surveiller son
voisin, d’un coup de bulletin magique.
Retour à la place Tahrir. Au
milieu de la place, des tentes sont installées, la journée on vend du thé,
café, des biscuits, on attend que le temps passe et la nuit, il en va de même,
avec le fond sonore en plus, auquel se mêle des images à la gloire de la
Révolution et, de façon plus surprenante, d’autres à l’effigie de Nasser. Plus
loin, un immeuble, appartenant à la famille Moubarak ayant subi les foudres
incendiaires d’un peuple en colère, qui est resté là, debout, comme témoignage
de ce qui s’est passé il y a deux ans maintenant. Nous sommes restés un long moment sur
cette place, y repassant plusieurs fois au fil du séjour, mais on ne peut pas
dire que la Révolution y siège encore. Il y a bien un pantin pendu à un feu
rouge semblant revendiquer du haut de sa corde, mais rien, pas de sit-in géant,
pas de « scandage » de slogan en règle, juste des gens, tout au long
de la place, attendant on ne sait quoi. Si bien qu’au final, quand l’un du
groupe s’y rendait, on se demandait bien pourquoi. La Révolution est passée, le
barbelé et les barricades de bêton improvisées sont toujours là, la pauvreté
est toujours là, le chômage également, les portes de Rafah, menant à la bande
de Gaza, sont toujours closes, ce sans quoi le siège de Gaza serait fini. On ne
sait pas trop ce que donnera ce squattage de la place Tahrir.
Aux alentours de la place,
restent les murs qui honorent les martyrs, tag rappelant les attaques contre le
Prophète Mouhammad, mêlant plusieurs langues étrangères, disant « je suis
Musulman et je suis fière de mon Prophète. » Mise en garde contre les
médias, rue des yeux de la liberté, Moubarak en pharaon, Mona Lisa détournée en
Brigades, les murs sont désormais le
souvenir des contestations. Pour le reste, on attendra que le Président Morsi
fasse ses preuves, en sachant que le chemin sera long, très long avant que la
corruption, la pauvreté et le chômage ne soit endigués.