Jeu d'enfants.




Le Caire, Tahrir Square

Vue du Caire

Le Caire, ses 18 millions d'habitants et ses artères tentaculaires. J'ai eu la chance de pouvoir parcourir une partie du Caire à pied, regrettant de n'avoir que 2 jours pour le faire et non pas 3 semaines. 




Cette photo a été prise du haut d'un immeuble de 16 étages, où un petit monsieur surveille jour et nuit que l'on ne monte qu'à 5 personnes dans l'ascenseur sous peine de le bloquer ( ce qui finira par arriver puisque nous étions une horde de têtus et très nombreux, une centaine, à devoir passer par cet immeuble et son 16ème étage durant notre séjour. ) Ici, chaque étage a ses caractéristiques, les urbanistes et architectes européens s'y arracheraient les cheveux. Chaque étage a son propre style, y compris l'étage réservé aux chats errants. Passant de l'étage "Hollywood" avec statue des oscars à un étage en reconstruction sans logique aucune, tout en haut, deux étages réservés à un hôtel. Absolument improbable. 

Dans son immense étendue, le Caire a besoin de ses ponts comme nous avons besoin de nos deux poumons. Là-bas, bloquer ne serait-ce qu'un seul pont équivaut à ne respirer que d'une narine, voir moins. Certains ponts passent en plein milieu des rues et les séparent sur des kilomètres, il est impressionnant de voir la vie qui s'y organise en dessous et des deux côtés de cette séparation "visuelle". Le marché est une des choses récurrentes que l'on trouve là-bas dessous. Mais lors des affrontements de la Révolution, s'était également la place idéale pour se faire gazer et jeter des projectiles de la part des forces de l'ordre. Prendre un pont était donc une victoire. Je garde en mémoire le souvenir vivace des égyptiens sur l'un de ces ponts, en train d'accomplir la Salat - prière islamique - et avançant, faisant ainsi reculer les forces de l'ordre alors que quelques minutes avant celles-ci fonçaient sur les manifestants avec leur véhicules et les inondaient à l'aide de canons à eau. Seulement ce jour là, sur ce pont au dessus-du Nil, c'est une victoire qui fut remportée et nous célébrions en France, dans les cercles militants, celle qui fut appelée "la bataille du Nil." Voir tout ceci de plus près a été un moment riche et particulier, particulièrement frustrant également du fait du peu de temps imparti à notre temps de halte au Caire avant de partir pour Gaza.




Marie, Lulu et les enfants de l'école Al Karmel


GAZA. Témoignage de Marie Magalhaes, marionnettiste. 

Samedi 29. Jour 5

8.AM-10.AM Visite d'une école primaire de garçons à Gaza.

Il est prévu que je joue un petit spectacle avec la marionnette « Lulu ».




J'ai le trac et je ne peux m'empêcher de penser à ces enfants pour la plupart hyperactifs, présentant divers troubles psychologiques,traumatisés par ce qu'ils endurent de l'oppression israélienne ,des enfants déchirés par l’état de siège permanent. Leur nombre doit atteindre au moins les 300 et le climat dans la cour de l'école, quand ils nous voient arriver, frôle l'hystérie ; des responsables de groupe, enfants plus âgés , sont chargés de « bousculer » les plus agités afin de revenir à un certain maintien, les profs gèrent mais ils ont du mal à contenir les gosses bien trop heureux de voir tant d'étrangers venus de l'extérieur : cela doit représenter pour eux la liberté, l'autre côté.




Je ne dispose que de quelques minutes pour endosser mon costume dans la cour, protégée des regards par le climat et la file des activistes derrière laquelle je me change. Il faut faire vite !




Je me connecte à ma marionnette comme je peux, par le regard. Je me protège du vacarme et de l'énergie dévorantes de ces enfants que j'aime déjà tellement ! Le bruit est hallucinant et je dois avouer qu'il est épuisant.




Je fais mon « entrée » et commence mon « show ». Et là, soudain, le SILENCE, un silence imposant, tellement immense que je me sens dépassée : on entendrait une mouche voler mais à Gaza ce sont les drones que l'on entend .




Je joue au ralenti, je sais que c'est pas ça, pas du tout ça, je suis terriblement ému par la capacité des enfants à se canaliser : en fait ce sont eux les artistes ! Les gosses sont scotchés de voir mon personnage bouger, vivre. Si seulement je pouvais rester des heures, des jours, des semaines, des mois avec eux....




Le show se termine. Le vacarme assourdissant revient à nouveau. Des nuées de gosses se précipitent vers mes camarades activistes, vers moi aussi, bien sûr. Ils veulent voir, toucher mon personnage, ses accessoires.

Je vacille devant tant de désespoir et de soif de vivre.

Vite, il faut que je trouve autre chose pour nous canaliser ensemble.

Je sors mon nez rouge ! Et un ballon vert GEANT : je leur dis, en montrant le ballon que c'est leur pays et je souffle dedans ; le ballon vert est GEANT et ils rient ; je n'ai presque plus de souffle, je joue à : je gonfle ? Je gonfle pas ? Et eux me demandent de gonfler, de gonfler, de ne plus jamais m'arrêter. Leur pays Palestine,  leur territoire Gaza, ils ont tant besoin d'y voir un espace libre comme celui où nous, en France (par exemple) on vit.

Les enfants jouent avec vous si vous jouez avec eux, ils ne demandent que cela.

Moi qui n'aime pas les normes je me surprends ici dans cette prison à ciel ouvert à n'espérer qu'un retour au normal.

Quand est-ce que Israël laissera ces enfants gazouiller normalement ?

QUAND ?












Les dessous de Palm Beach


GAZA. Novembre 2012, Gaza est sous bombardement, la plage n'est pas épargnée, sauf que sur la plage il y a aussi des hommes et le syndicat des pêcheurs. Aujourd'hui, le syndicat est en reconstruction mais la situation des pêcheurs n'est pas meilleure qu'avant la "guerre", la zone de pêche est toujours limitée et les confiscations des bateaux et du matériel de pêche sont les joies du quotidien.

Pour en savoir plus sur la situation des pêcheurs : http://www.europalestine.com/spip.php?article7943






















Que reste-t-il sur Tahrir Square ?


La Place Tahrir est désormais connue comme étant le bastion de la Révolution égyptienne qui chassa Hosni Moubarak. Qu’en est-il de cette place aujourd’hui ? En m’approchant de cette place, je ne me suis pas aperçue que c’était elle.




Je m’attendais à un immense espace et m’aperçut que les proportions me rappelaient celles de la place Bellecour, en plein cœur de Lyon,  imaginant alors ce que serait celle-ci, si nous aussi nous nous rebellions. Mais nous ne sommes pas assez précaires pour oser faire ce que les égyptiens ont fait, Hollande ou Sarko, il faudrait tous les virer, mais nous respirons assez convenablement sans penser que notre acceptation de la politique française et européenne nous mène droit dans le mur. Nous, mais aussi les peuples avec lesquels nous jouons sur le grand échiquier du monde, à ce stupide jeu qui n’est qu’économie mondiale et géopolitique. Tant pis pour les peuples. La preuve en est, les égyptiens ont viré Moubarak, celui-là même à qui Sarkozy et tant d’autres ont serré la main, ils ont choisi Morsi, « l’islamiste » et déjà le monde à crier gare. Sauf que, les égyptiens décident désormais de leur sort, car oui, ils ont voté. Le modèle que le monde veut imposer, la sacro-sainte démocratie, a laissé parler un peuple après sa Révolution.  Les pressions internationales ne suffiront peut-être plus à leur faire plier l’échine, même si un pays entier est à reconstruire jusque dans les mentalités diverses et complexes qui le composent. On n’efface pas des décennies de régime autoritaire et ultra-répressif, où n’importe qui peut être rémunérer pour surveiller son voisin, d’un coup de bulletin magique.




Retour à la place Tahrir. Au milieu de la place, des tentes sont installées, la journée on vend du thé, café, des biscuits, on attend que le temps passe et la nuit, il en va de même, avec le fond sonore en plus, auquel se mêle des images à la gloire de la Révolution et, de façon plus surprenante, d’autres à l’effigie de Nasser. Plus loin, un immeuble, appartenant à la famille Moubarak ayant subi les foudres incendiaires d’un peuple en colère, qui est resté là, debout, comme témoignage de ce qui s’est passé il y a deux ans maintenant. Nous sommes restés un long moment sur cette place, y repassant plusieurs fois au fil du séjour, mais on ne peut pas dire que la Révolution y siège encore. Il y a bien un pantin pendu à un feu rouge semblant revendiquer du haut de sa corde, mais rien, pas de sit-in géant, pas de « scandage » de slogan en règle, juste des gens, tout au long de la place, attendant on ne sait quoi. Si bien qu’au final, quand l’un du groupe s’y rendait, on se demandait bien pourquoi. La Révolution est passée, le barbelé et les barricades de bêton improvisées sont toujours là, la pauvreté est toujours là, le chômage également, les portes de Rafah, menant à la bande de Gaza, sont toujours closes, ce sans quoi le siège de Gaza serait fini. On ne sait pas trop ce que donnera ce squattage de la place Tahrir.




Aux alentours de la place, restent les murs qui honorent les martyrs, tag rappelant les attaques contre le Prophète Mouhammad, mêlant plusieurs langues étrangères, disant « je suis Musulman et je suis fière de mon Prophète. » Mise en garde contre les médias, rue des yeux de la liberté, Moubarak en pharaon, Mona Lisa détournée en Brigades,  les murs sont désormais le souvenir des contestations. Pour le reste, on attendra que le Président Morsi fasse ses preuves, en sachant que le chemin sera long, très long avant que la corruption, la pauvreté et le chômage ne soit endigués.